Interview : Mélanie Bernard, nouvelle cheffe de projets des Centres Sociaux Connectés
Depuis le 4 décembre, Mélanie Bernard, ancienne coordinatrice numérique sur les territoires de la Flandre Intérieure et de la Flandre Maritime, a repris le flambeau de Camille Julien, cheffe de projets pour les Centres Sociaux Connectés du Nord Pas-de-Calais. Vous la connaissez peut-être déjà, mais quels sont ses objectifs pour la dynamique pour 2024 et 2025 ?
Numérique
Portrait d’une biberonnée au social qui aime jouer collectif
Peux-tu te présenter de manière déconnectée ?
Je m’appelle Mélanie Bernard, j’ai bientôt 32 ans, en couple, je suis maman d’une petite fille. Je fais du basketball et du crossfit sur mon temps libre, et je suis plutôt geek, j’aime jouer à des jeux vidéos et des jeux de société avec mes ami·e·s.
Qu’est-ce que tu as comme jeux vidéo à nous proposer ?
Le dernier que j’ai fait, c’est Kena, qui est le premier jeu précurseur de la PS5, avec les nouvelles performances graphiques et techniques (ne me demande pas trop les trucs techniques rires). J’ai pas mal joué à Assassin’s Creed Valhalla aussi, mais je ne suis pas allée jusqu’au bout car les quêtes annexes sont répétitives.
Sinon je joue pas mal aux jeux d’arènes, un peu de shoot, un peu technique, comme APEX ou Rainbow Six Siege par exemple, où il faut réfléchir à des stratégies et jouer en coopération.
Le genre de jeu que tu peux partager avec tes potes donc…
Je préfère toujours jouer avec des personnes que de jouer seule. Par exemple, un jeu avec un mode histoire mais que tu peux faire en coop’, je préfère le faire avec quelqu’un ; si je le fais toute seule je vais vite le mettre de côté car il n’y a pas cette interactivité sociale.
Quel est ton parcours professionnel ?
J’ai travaillé plusieurs années dans plein de centres sociaux et mairies différents, en tant qu’animatrice polyvalente pour tous les publics. J’ai fait des directions d’ACM et de colonies aussi… Ensuite j’ai eu l’occasion de prendre un poste en tant que coordinatrice : au début autour de l’e-administration en Flandre Maritime sur le projet Centres Sociaux Connectés en 2019 et j’ai poursuivi mon chemin en devenant coordinatrice pour deux territoires, la Flandre Maritime et la Flandre Intérieure en 2021, avec la Fédération des Centres Sociaux du Nord Pas-de-Calais..
Et aujourd’hui, fin 2023, cheffe de projet pour les Centres Sociaux Connectés du Nord Pas-de-Calais.
Donc centres sociaux à 100%…
J’ai enchainé pas mal de CDD, de contrats de missions, et même avant les centres sociaux, j’ai commencé dans l’animation en faisant un service civique, avec les seniors notamment.
Depuis toute petite, je baigne dans le social : par exemple, avec mes parents, on était bénévoles pour les Petits Frères des Pauvres, et avec mes grands-parents, on faisait du bénévolat un peu partout, j’adorais animer des lotos avec mes oncles et mes tantes,…
Je ne m’étais jamais posée la question d’en faire mon métier… C’est quand j’ai fait mon service civique que ça a été la révélation, le social était fait pour moi.
Centres Sociaux Connectés depuis le début de la dynamique
Tu as donc participé aux Centres Sociaux Connectés de 2019, projet qui n’était pas encore porté par la Fédération. Tu peux nous raconter ?
Donc 2019, jeune diplômée d’un DEJEPS, je deviens coordinatrice pour la Flandre Maritime.
Ce qui m’a tout de suite plu dans ce projet c’est ce réseau, car même si celui-ci n’était pas encore porté par la Fédération, il y avait déjà toute cette notion de réseau ; il y avait déjà tout cet essaimage, ce partage qui se faisait entre les territoires. (Mel, Douaisis…)
Il y avait cette prise de conscience, qu’on a encore aujourd’hui avec l’Intelligence Artificielle, qu’il y a toujours des nouveautés en termes de numérique, et donc la volonté des équipes de proposer des nouveaux services, des nouvelles choses pour pouvoir répondre aux besoins des habitant·e·s.
Comme je l’ai dit, au début j’étais surtout sur l’e-administration, mais on voit encore des années après les mêmes problèmes : des personnes ne bénéficient pas de leurs droits parce que le numérique est là, et je suis convaincue de la légitimité de la dynamique Centres Sociaux Connectés pour répondre à ça, d’une certaine façon avec nos champs des possibles.
Quand on voit comment ça se déploie quatre années après ! Là, à l’échelle fédérale, avec cette notion de réseau puissance 10, c’est une vraie force qu’on soit autant de centres sociaux à réfléchir à un projet commun, à déployer des choses communes sur les territoires, tout en répondant aux spécificités de chacun. On fait culture commune, on sort de l’entre-soi, on ouvre les chakras et les réflexions, c’est une réelle plus-value.
Pour aller dans ce sens-là, est-ce que tu as noté une évolution de l’envie de faire partie de Centres Sociaux Connectés ? De la part des centres sociaux, des habitant·e·s, de l’envie de se connecter, de s’ouvrir ?
Si je prends l’exemple des territoires dans lesquels je suis intervenue, carrément ! En Flandre Intérieure, il y a des projets inter-centres qui ont été développés, maintenant il y a des groupes de pairs qui se sont mis en place, on répond ensemble à des projets mutualisés… Ce sont des choses qui se faisaient un peu avant, mais qui se sont accentuées avec la dynamique Centres Sociaux Connectés.
On se rend compte que l’union fait la force, on est plus efficace à faire des appels à projet à plusieurs !
Donc les Centres Sociaux Connectés transcendent les limites du numérique ?
On peut dire ça, mais ça ne se limite pas qu’au numérique, Les Centres Sociaux sont dans des dynamiques d’inclusion. Par exemple , on peut parfois être mis dans la réflexion sur des projets qui initialement n’ont rien à voir avec le numérique, et où on se dit : “numériquement, qu’est ce que je peux apporter ? C’est quoi le truc innovant ?”
On sent que les réflexions évoluent aussi là-dessus, donc en effet, ça transcende le numérique ! Je prends le projet autour de la transition écologique : on va parler des jardins partagés, etc. et finalement on a une dimension numérique qui va arriver alors qu’initialement c’était pas le premier but. Pareil autour de la santé ! La santé numérique, c’est un axe du projet !
Quelles valeurs des Centres Sociaux Connectés font le plus de sens pour toi ?
Sans hésitation, la mutualisation et le partage. On a pas peur de développer des solutions qu’on va partager, il suffit de prendre l’exemple de la plateforme Ressources ! J’ai encore eu un retour ce matin, deux salariés de centres sociaux m’ont dit “c’est une mine d’or votre plateforme !” Si on avait pas eu toute cette notion de partage sur le projet tel qu’on l’a aujourd’hui, on aurait dix petites fiches ressources par territoire, on tournerait en rond et on essaierait pas de proposer de nouvelles choses.
Et bien sûr, l’Humain ! L’humain qu’on a dans les équipes mais aussi l’humain qu’on peut apporter auprès des personnes, fragilisées ou pas, sur la question du numérique. Il suffit de voir, quand les gens poussent les portes des centres sociaux, on a une mixité sociale qui vient nous rencontrer. Il est toujours là, ce côté humain, pour répondre aux besoins des gens : on veut remettre l’Humain au cœur du numérique.
Après avoir été coordinatrice, quelles compétences / tâche / mission en tant coordinatrice font de toi une bonne cheffe de projet ? Qu’est-ce que tu prends d’avant pour mettre maintenant ?
Avec quatre années d’expérience au sein des Centres Sociaux Connectés, j’avais l’avantage d’être sur deux territoires avec des dynamismes différents (ruraux, communaux, …). Le fait d’avoir cette précédente casquette, ça permet d’avoir une proximité avec l’équipe fédérale,les coordinateurs et les chargé.es de transition numérique qui déploient le projet, les équipes, les directions, … et c’est une vraie force.
Après quatre années en tant que coordinatrice, j’ai toujours cette curiosité et cette envie de développer. Je suis convaincue, je crois à ce projet, sinon je ne serais pas là.
Ce premier rapport avec tous ces actrices et acteurs, en tant que coordinatrice, est-ce que ça facilite ?
Je suis vraiment dans une posture de co-construction ! De plus, l’équipe me connaît, connaît mes forces et mes faiblesses, car je suis totalement transparente là-dessus. Cela me permet aussi d’avoir cette bienveillance, parce que mine de rien, dans nos missions, nous sommes quand même assez isolés, et c’est important pour moi, en tant que cheffe de projet, d’être présente et à l’écoute.
Et puis j’ai envie d’apprendre de nouvelles choses, autant sur le plan professionnel que personnel… Si tu me parles d’IA, de transition écologique, ça me parle mais je ne maîtrise pas. Je sais que j’ai la chance d’être entourée de personnes plus compétentes que moi sur ces sujets, et avec l ‘équipe, on va être complémentaires !
Nouvelle cheffe de projets, nouveaux objectifs
Quels sont tes objectifs en tant que cheffe de projet pour la dynamique Centres Sociaux Connectés ?
Maintenir le dynamisme du projet, impulsé par les équipes dans les territoires,
Essayer de trouver des solutions pérennes pour la Fédération et accompagner les Centres Sociaux dans la recherche de nouveaux financement
Pourquoi pas voir plus loin en essaimant auprès des autres Fédérations des Centres Sociaux parce que la transition numérique est partout !
Ce que je veux, c’est faire en sorte que les centres sociaux puissent déployer même après mai 2025, même sans nous, du numérique dans leur structure et que la dynamique ne s’arrête pas là.
Justement en tant que cheffe de projet, tu es au centre de cet écosystème de centres sociaux, de financeurs, de partenaires, etc. Comment tu te vois dialoguer avec toutes ces entités différentes ?
Je pense qu’il y a des collectivités à aller chercher. On parle de plaidoyer en ce moment, par rapport à la mobilisation qui se profile sur la situation économique que traversent les centres sociaux, et je pense qu’il serait judicieux d’avoir un plaidoyer sur la question du numérique à un moment donné.
J’aimerais qu’on arrive à obtenir plus de reconnaissance de la part des financeurs, même si ça évolue dans le bon sens ; par exemple pendant le COPIL de la Flandre Intérieure, la CAF était présente, des élu·e·s également, et on a eu des retours positifs. Il faut déjà qu’on soit plus ancré dans les écosystèmes existants dans chaque territoire, pour ensuite viser plus haut.
Il faut surtout cultiver cette proximité avec les centres sociaux et les équipes salariées au maximum. J’essaierai d’avoir cette proximité sur le terrain de participer à des assemblées territoriales, des CODIR, des COPIL, au maximum et chaque fois que ce sera possible.
Portrait chinois numérique
Si tu étais un outil numérique ?
Professionnellement, je dirais Genially, et ça c’est une certitude. Il n’y a pas une semaine où je n’ouvre pas un Genially. C’est un outil polyvalent, structuré, et avec lequel on peut travailler sa créativité. Après je suis une fan des tableaux, mais Genially c’est plus fun quand même” rires !
Dans la vie personnelle, je dirais Time Tree : c’est un agenda partagé, qui permet de s’organiser et qui est collaboratif donc dans le contexte familial c’est top.
Si tu étais une ressource numérique open source ?
Je ne vais pas cacher que j’ai encore du mal avec l’open source… On évolue aussi avec sa pratique professionnelle ! Mais au fur et à mesure de mes années Centres Sociaux Connectés, j’ai appris à utiliser Frama plutôt que Google, pour les formulaires, les comptes-rendus partagés…
On a parlé jeux vidéos tout à l’heure, si tu étais un jeu de rétrogaming ?
Est-ce que Lara Croft est un retrogame aujourd’hui ? Mes premiers jeux vidéo c’était Nintendo, puis PlayStation 1… J’ai passé des heures dans la maison de Lara Croft par exemple, comme tout le monde !
Pour finir est-ce que tu peux nous décrire le centre social / le tiers-lieu numérique parfait selon toi ?
Pour moi dans le centre social de demain, il n’y a plus d’accueil fermé ; on est en espace ouvert, avec des clôtures modulables, et on est encore plus ouvert que jamais. On continue de développer du hors les murs, on a même plus besoin d’espace physique car on est partout ! On est dans les quartiers, on est dans les marchés, et on fait ce qu’on ce qu’on sait faire partout.
Le centre social est aussi devenu le partenaire indispensable si on veut faire du social, si on veut faire de l’animation, développer un projet, pour le pouvoir d’agir des habitants…
Et le numérique dans tout ça ? Il peut aider à atteindre cet objectif là ?
Quand on parle du “hors les murs” par exemple, si on prend les jeux vidéo, on peut toucher un certain public, et le numérique fait entièrement partie de ça ! Les jeunes d’aujourd’hui ne sont plus les jeunes d’il y a vingt ans, il faut savoir passer par d’autres canaux pour communiquer avec le public. Ça ne m’étonnerait pas de voir un centre social dans lequel on ait 3-4 consoles, où on ait des salarié·e·s et des jeunes qui sont là, sur Discord en même temps, qui jouent, qui parlent… On fait du social d’une certaine manière !
Ce qu’il faut se dire, c’est que le numérique, c’est aussi un vecteur de lien social, ce n’est pas que le numérique qui fait peur… Ça crée du social. Il y a des personnes qui se connaissent depuis des années parce qu’elles jouent ensemble depuis des années, pourtant elles ne se voient jamais physiquement ! Mais c’est du social, ce n’est pas à minimiser.
Pour moi, le centre social de demain, il doit savoir être hybride.